Les dictionnaires




1. Lexicologie et lexicographie

 

Lexicologie

Lexicographie (ou dictionnairique)

Branche de la linguistique structurale décrivant les unités lexicales.

Constitution de dictionnaires

Linguistique appliquée

 

En fait, c'est la lexicographie qui engendre la lexicologie structurale et non le contraire.

 

2. Typologie des dictionnaires

5 grands critères d'analyse des dictionnaires

A. Type de description
B. Nombres de langues décrites
C. Richesse quantitative et qualitative de la nomemclature
D. Mode d'appréhension du corpus
E. Statut synchronique et diachronique

 

 

A. Type de description

Dictionnaire encyclopédique

Dictionnaire de langue

Dictionnaire visuel
(What's what)

Description du référent

chose: photos, graphiques, noms propres.

La définition encyclopédique définit la chose et pas le mot. C'est un dictionnaire de connaissances.
ex. Moeurs et habitudes de certains animaux

Description des mots

définition, usage , étymologie

Activité structurale consistant à mettre l'unité lexicale dans son champ ->c'est une sorte de -
Ne retient que ce qui est utile pour le fonctionnement du langage. Traits distinctifs et pertinents. (place l'unité par rapport à ses hyperonymes et parasynonymes)

Images fléchées

étiquetage, légendes

définition par la référence

Restreint à des unités renvoyant à de l'empirique ou à des praxis (conduire, pelleter...)

Tradition Larousse

Petit Robert 2 des noms propres

Tradition Littré, Robert ex. dictionnaires multimédias

 

 

B. Nombres de langues décrites

Dictionnaire monolingue

Dictionnaire bilingue

Dictionnaire multilingue

Ce n'est qu'au XVIIe qu'apparaissent les dictionnaires monolingues de définition.

Au XVIe siècle les dictionnaires sont bilingues ou plurilingues.

 

Petit historique des dictionnaires monolingues

XVIIe siècle

Richelet (1680) - Dictionnaire français
Langue familière
Rééditions (1680 - 1706 - 1728 -1732 -1759)

Antoine Furetière (1690) Dictionnaire Universel (vocabulaire technique de la bourgeoisie montante)
Rééditions (1690 - 1701 -1704 (reprise par l'Abbaye de Trévoux)-1721 -1732 -1743 -1752 -1771)

Dictionnaire de l'Académie française (1694)
Rééditions (1694 -1718 -1740 -1762 -1798 (+ supplément révolutionnaire) - 1835 (réélaboré) -1878 - 1932/35 (renouvelé) - 1975 (renouvelé).

 

XVIIIe siècle

Siècle de Louis XV, règne très pénétré par la bourgeoisie.

Le caractère offensif du Furetière disparaît sous le travail de l'abbaye de Trévoux. Le dictionnaire vieillit et perd en validité.

Pierre Bayle : Dictionnaire critique du français  (1696-97). Certaines idées passent mieux dans un dictionnaire que dans un autre livre.

Idée reprise par Diderot et D'Alembert dans leur encyclopédie, ou le Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1777)

L'idée d'encyclopédie apparaît pour la première fois. Changements dans le paysage sociopolitique. Montée de la bourgeoisie. L'Angleterre est en train de devenir la première puissance par rapport à la France. Révolution industrielle. Le roi a été décapité. Pouvoir de la bourgeoisie en Angleterre. Il faut éduquer la population paysanne et artisanale française sur l'industrialisation.

Traduction par Diderot de la Cyclopédia de Chambers. Réunion de tous les penseurs français du moment. Il ne s'agit plus seulement d'un travail de traduction. Procédure de dissimulation d'une pensée subversive à partir d'articles apparemment inofensifs.

Voir article " aigle ". Aigle associé à Jupiter puis critique de la religion et la superstition sous forme de pamphlet. Par ailleurs, l'article " Genève " fait l'éloge du libéralisme à la suisse. Certaines parties ont été censurées par l'éditeur LeBreton par peur des représailles.

Dans la culture française l'idée de l'encyclopédie chevillée à une pensée progressiste voire subversive. Cette tradition va rester. Mise en place d'une opposition entre les dictionnaires de langue inoffensifs : Trévoux, Académie / encyclopédie.

L'encyclopédie n'en demeure pas moins une entreprise commerciale.

XIXe siècle

Grande influence d'Auguste Comte qui publie entre 1830 et 1842 le Cours de philosophie positive.

Littré (1859) Dictionnaire de la langue française  chez Christophe Hachette, puis le Littré-Beaujean (édition réduite)
Dictionnaire philologique

Larousse (1865) Grand Larousse de la langue française
Dictionnaire étymologique

Godefroy (1880-1902) - Dictionnaire de l'ancienne langue française du IXe au XVe siècle (chez Hachette comme Littré)

XXe siècle

Paul Robert crée son dictionnaire et la "Société du Nouveau Littré ". Perpétuation de la tradition de Littré philologique et sémantique, même si la nomenclature est différente. Présence du nouveau trait de l'analogie (synonymes et antonymes), Caractéristique linguistiques annonçant la naissance de la tradition lexicographique.

La tradition Larousse est reprise dans les publications de la maison Larousse.

Paul Imbs, Bernard Quemada, Trésor de la langue française  (le TLF) : plus de 90 000 mots, 16 volumes (1971-1994)

Le dictionnaire de l'Académie écrit par des académiciens produisent eux-mêmes leurs exemples sans se référer à des textes.

Pour plus de détails voir aussi le site suivant :

 

C. Richesse quantitative et qualitative de la nomenclature

La nomenclature correspond à l'ensemble des entrées d'un dictionnaire.

 

Dictionnaire différentiel

(Glossaire)

Dictionnaire Général

(lexique)

Dictionnaire portatif

(lexique)

Thésaurus ou trésor

(lexique)

ex. GPFC (Glossaire du parler français au Canada)

lexique différentiel spécifique (région, spécialité - ex technique, informatique, aviation). Complémentaire d'un dictionnaire général (exclut des notions générales : maison, table..) La notion de glossaire est corrélée à un domaine.

ex. Grand Robert

ex. Petit Robert

ex. Trésor de la langue française en plusieurs volumes

 

 

 

Extension quantitative

Extension qualitative

tendance encyclopédique

Lexis : 76000 mots (réimprimé depuis 1979)

Petit Larousse : 87000 mots (noms propres + noms communs)

 

privilégie le vocabulaire technique des sciences et les marques d'usages (médecine, chimie, philo...)

gestion des dérivés (laver, laverie, lavable)

Regroupe les familles sous le même article et travaille plus au niveau sémantique.

tendance homonymique : 
Polysémie et homonymie traitées dans des articles séparés.

Ne traite pas la synonymie et l'antonymie.

tendance langue Petit Robert (1999) : 67000 entrées (noms communs)

Robert Mini : (39000 noms communs, 6000 noms propres

Micro-Robert (35000 mots)

Ouverture aux lectes (vocabulaires régionaux)

gestion des composés traités à la suite des sens (chapeau de paille).


Sépare les familles formelles.
Renvoi à d'autres articles par un système d'astérisque (*).

tendance polysémique: Polysémie et homonymie traitée dans le même article.

Traite la synonymie et l'antonymie. (dictionnaire alphabétique et analogique de la angue française)

 

D. Mode d'appréhension du corpus

Dictionnaire basé sur l'intuition linguistique de son auteur

Dictionnaire philologique

Dictionnaire à corpus élargi

ex. Oscar Dunn (1880), Locutions vicieuses utilisées au Canada (1750 mots)

basé sur des textes plutôt anciens et classiques

ex. Littré

oeuvres littéraires, techniques et autres : (chartes, rubriques juridiques, livres de cuisines, manuels techniques…)

Toutes les sources sont utilisées : intuition d'un auteur ou d'une équipe, philologie, enquêtes sociolinguistiques

ex Larousse

 

E. Statut synchronique et diachronique

Dictionnaire étymologique

Dictionnaire contemporain

Dictionnaire synchronique savant

filiation de mots

ex. Walter Von Wartburg (1922-19722), Französiches Etymologisches Wörterbuch

description de la langue contemporaine par rapport à l'auteur.

fait à l'époque de la langue qu'il décrit. Activité lexicographique contemporaine à l'époque de la langue qu'elle évoque.

description d'un état de langue ancien.

description d'une langue donnée faite à une époque ultérieure à celle de la langue évoquée. Il s'agit forcément d'un dictionnaire philologique, basé sur les textes anciens. Il ne peut pas se baser sur l'intuition de son auteur.

 


 3. Typologie des dictionnaires québécois

Il s'agit fondamentalement d'une lexicologie glossairique basée sur l'intuition de son auteur. On peut en constituer l'historique :

 

XVIIIe siècle

à l'époque du régime français, la colonie était contituée d'un grand territoire, Grands lacs, Detroit, St-Louis, Mississippi.

Le Père Potier, ecclésiastique missionnaire venu de Belgique, s'installe à Détroit et écrit des calepins qui ont étés édités. Premier glossaire canadien.

À la fin du siècle, Jacques Viger, Néologies canadiennes publication en 1810. Glossaire basé sur l'intuition linguistique de son auteur.

XIXe siècle

Trois glossaires :

Oscar Dunn (1880). Liste des locutions vicieuses - 1750 mots.

Sylva Clapin (1894) : Dictionnaire canadien français - 4000 mots

Narcisse Eutrope Dionne (1909) - Le parler populaire canadien français - 15000 mots. L'auteur du glossaire pense que les locutions présentées sont spécifiques au français canadien. Ce n'est pas toujours vrai, ils sont souvent déjà présents dans les parlers régionaux ou populaires en France.

XXe siècle

Glossaire du Parler Français au Canada. (1930) Relevés faits entre 1902 et 1918. Enquêtes dialectologiques. Appel à des informateurs, constitutions de fiches. Relevé en dehors de l'intuition de l'auteur, relevé plus large. La langue vernaculaire n'accède pas ou peu à la littérature, langue orale, ce qui explique le caractère non philologique des glossaires des langues régionales.

Méthodes lexicographiques commerciales ; Lexicographie à nomenclature éclectiquement constituée:

1954 Louis Alexandre Beslile, Dictionnaire général de langue française au Canada, 1954, 1971, 1979 -> Dictionnaire du français nord-américain.

Portatif du Littré par Beaujean dans les années 30.
Beslille ajoute au Littré-Beaujean son lexique canadien de 8000 unités.
3 symboles normalistes
:
© : bon aloi
fleurs de lys : à proscrire
croix encerclée : familière

1980 (50 ans après) Léandre Bergeron : Dictionnaire de la langue québécoise. Reprise des sources précédentes avec quelques changements de définitions. Le principe conciste à québéciser des dictionnaires généraux du français.

Junot et Poirier (à partir de 1977) Trésor de la langue française du Québec (TLFQ), sans les unités lexicale du français de France. (avec des marques pour le français hexagonal). Parties encyclopédiques.

Dictionnaire du français plus (Hachette) (1989). Rajout de vocabulaire québécois à un dictionnaire général.

Robert québecois (1990), constitué selon le même principe que le Hachette

 

 

© Henriette Gezundhajt, Département d'études françaises de l'Université de Toronto et de l'Université York à Toronto, 1998-2021
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