Niveaux d'analyse et approches théoriques

I Plans d'analyse

On peut analyser la phrase selon trois niveaux différents ; les trois opèrent en même temps mais ne privilégient pas forcément la même notion.

1- NIVEAU SYNTAXIQUE SUPPORT + APPORT
  • Harmonie de la phrase
  • Grammaticalité
  • Relationalité entre les éléments combinés de la phrase ou du syntagme : Un élément n'est pas sujet ou complément en soi comme un verbe ou un nom. Un élément est sujet DE ou complément DE quelquechose. C'est ce qu'on appelle la fonction.
    (À noter que si la notion de sujet est bien formelle, celle de complément est déjà sémantique.)
2- NIVEAU SÉMANTIQUE ACTANT + RELATEUR + ACTANT(S)
ACTEUR    PROCESSUS

Voir le développement sur les schémas actantiels

3- NIVEAU ÉNONCIATIF THÈME + RHÈME

A ce niveau certaines choses sont postulées. L'information détenue par le co-énonciateur va déterminer la suite du texte.

Le THÈME (ou topique) est une notion ou une entité dont les deux énonciateurs sont conscients qu'elle est déjà présente dans l'échange, autrement dit l'information donnée (ou ancienne). C'est ce dont il s'agit, comme le thème d'un exposé.

Le RHÈME (ou commentaire) est ce qu'on va dire de cette entité thématique. C'est l'information nouvelle.

La plupart du temps le thème est équivalent au sujet de la phrase et le prédicat constitue le rhème.

    Paul mange une pomme
    sujet          prédicat

Cependant, il arrive que le thème et le sujet ne se correspondent pas :

    Ma voisine, son mari, il a acheté une auto
             
     THÈME          RHÈME (sujet + prédicat)



II La grammaire générative

L'étude structurale de la morpho-syntaxe a été marquée par deux grands courants :

L'approche générative découle de la seconde dominée par Leonard Bloomfield dans les années 30 et Zellig Harris dans les années 40. Dès les années 50, Noam Chomsky entreprend une pensée philosophique sur le langage et se démarque par une rupture épistémologique par rapport au distributionnalisme de base selon un certain nombre de principes:


1. Le principe génératif Il ne s'agit plus, comme pour Bloomfield ou Harris, de percevoir la langue comme un gros corpus. Pour Chomsky la langue a un capacité créatrice. Il existe une possibilité de partir d'un ensemble fini de règles pour engendrer un nombre infini de phrases par un système de combinaisons.
2. Modélisation Plutôt que d'adopter une attitude descriptive consistant à classifier des formes empiriques, Chomsky préfère une procédure explicative par un exercice d'abstraction et d'analogies un peu à la façon d'un ordinateur.
3. Compétence / performance Il existe une compétence innée chez chaque locuteur permettant à l'enfant de s'inscrire virtuellement dans n'importe quel cadre linguistique avec une capacité d'improvisation individuelle. Cette compétence se réalise dans des performances.
Cette vision des choses va à l'encontre du behaviorisme de Skinner et des patterns du statisticien Markov, qui voient tous deux dans la performance une simple imitation de modèles appris et intériorisés.
En cela, l'approche de Chomsky est plus psychologique que sociologique.
4. Grammaticalité Le locuteur idéal est doué d'une intuition linguistique et il a la compétence de juger de la grammaticalité d'une phrase. Certaines séquences et combinaisons de formes ne sont pas acceptables. Par exemple, en français, on acceptera difficilement des phrases déclaratives avec un verbe en position initiale :

    * viennent les enfants demain.

Par ailleurs Chomsky fait une distinction entre ce qui est agrammatical et ce qui est asémantique. Certaines phrases bien formées peuvent être dénuées de toute signification pour des raisons qui ne sont pas liées à des critères formels :

    * D'incolores idées vertes dorment furieusement.

5. La grammaire universelle Cette idée découle de grammairiens classiques du XVIIe siècle, notamment de la Grammaire Générale et Raisonnée de Arnauld et Lancelot, dite de Port-Royal.

Il existerait dans toutes les langues et pour tous les locuteurs une structure profonde appelée universaux du langage. Ces universaux prendraient des formes diverses lors des réalisations de phrases dans les diverses langues.

Tout comme on a ressenti une sorte d'impérialisme du français dans la vision de Arnauld et Lancelot, on a beaucoup reproché à Chomsky de faire découler ses universaux à partir d'une réflexion sur sa propre langue, en l'occurrence l'anglais.

6. Cartésianisme En tant que philosophe du langage, Chomsky se rapproche de la pensée de Descartes qui oppose le rationalisme à l'empirisme. La vision du monde se construit par la pensée, par un raisonnement et par des constructions mentales. La perception du monde ne se fait pas par les sens. Pour chaque individu, il y a un préexistence de la compétence.


Il ne s'agit pas ici de faire une analyse poussée de la théorie générative, mais plutôt d'en résumer les grandes lignes fondatrices. Pour plus d'informations à ce sujet, je vous renvoie au site d'Yves Roberge : Une brève introduction à l'analyse syntaxique en grammaire générative : http://linguistes.com/syntaxe/roberge/

© Henriette Gezundhajt, Département d'études françaises de l'Université de Toronto, 1998-2004
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